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Bienvenue sur le site de l'escadron 131st VFS 'Death Vipers', unité virtuelle évoluant sur le simulateur DCS World

Pitite saga WW2


5 réponses à ce sujet

#1

White-sky

    Nobilium vulgari

  • Lieutenant Colonel
  • Moniteur KA-50

Posté 02 décembre 2014 - 22:27

Messieurs, comme vous le savez sûrement, j'aime bien écrire. Il se trouve qu'il m'arrive d'être désoeuvré. Alors du coup je me suis dit... Tiens tiens tiens, on est le 2 Décembre... 2 Décembre... 6 Juin 1944... Oui c'est évident ! Du coup je me suis lancé dans une petite série de nouvelles (ce soir même en fait). La première, que je vous passe, est courte (je l'ai écrite rapidement ce soir, en improvisant, moins d'1 heure...). Cette série racontera l'histoire de William Conan Eglesit, soldat engagé dans le corps expéditionnaire pour la guerre de 40 et qui traversera... Ou pas la guerre en participant... Ou pas à tous les théatres.

Le premier, j'ai fait relativement simple, étant peu habitué au style narratif à la 3ème personne, je me suis cantonné au premier contact avec la guerre de notre petit soldat british. Pourquoi ne pas avoir pris un Français me demanderez vous ? Parce-que c'est pas parce-que je le suis que je le dois :P. Donc bon, à l'arrivée, l'idée c'est de vous faire partager une petite histoire, qui se complètera au fur et à mesure dans l'année... Ou qui ne se complètera pas... J'aimerais également, pour ceux qui le liront, que vous me disiez ce que vous en pensez (vous pouvez y'aller, comme dit plus haut, ce n'est pas le fruit d'un gros travail...).

Ah aussi : par méconnaissance de certains épisodes localisés (je parle surtout de déploiement précis de troupes bien précises, type compagnie etc, leur position à tel jour...), je me permets une ou deux libertés avec les déploiements (de l'ordre de la dizaine de km ici...).

Enfin bon, voici le texte (je le mets en lien de DL si vous préférez Microsoft Word...).

https://drive.google.com/file/d/0B8Wfkj5nEKIGYUJDRnhtMGhVTU0/view?usp=sharing

Nicolas ;)

Titre I : L’Aigle bat le Coq.


La pluie. Encore la pluie. Toujours la pluie. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la Normandie n’aura rien de dépaysante pour William... Engagé volontaire en 1939, il avait été de toutes les batailles depuis lors. La Normandie n’en était qu’une de plus. Sûrement sa dernière, mais cela, disons qu’il préférait ne pas y songer.

D’aucuns pourraient considérer qu’après tant de combats, faits de défaites sévères, de victoires à l’arrachée, qu’après avoir donné la mort à tant d’hommes, vu tant de ses camarades, ses amis, et même son propre frère, Mattew, tomber au combat, « tomber au champ d’honneur », la peur l’aurait abandonnée, qu’il ne serait plus qu’un roc.

Erreur. « Tomber au champ d’honneur » ? Mais il n’y a pas d’honneur à mourir comme cela. Abattu comme un chien, désintégré dans une explosion, au final, seule demeure la folie humaine, portée à son paroxysme. Assurément, William a peur. Il a simplement appris à ne pas le montrer. A ne plus le montrer.


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23 Mai 1940, Quartier général de Lille.

« Nous avons perdu la guerre. ». Cette phrase résonne dans la tête de William comme autant de tirs d’artillerie qui frappent désormais les faubourgs de la ville. C’est son commandant de Compagnie qui l’a prononcée, quelques minutes avant d’être tué par la bombe d’un Stuka. Ces engins de mort. On ne les voit même pas venir, une alarme retentit, un cri qui perce les tympans, qui glace le sang, et l’attente. La plus terrible attente qu’un homme puisse vivre. Mais jusqu’ici, il avait eu de la chance : c’était toujours celle du voisin qui était comblée.

Se tenant à l’entrée du QG avec quelques de ses camarades, il ne peut qu’espérer recevoir les ordres d’un nouveau chef. S’il n’a pas déjà fuit. Il fait beau. Le soleil inonde la ville de sa lumière, et seul l’écho des combats, au loin, permet de rappeller la gravité de la situation. Lorsqu’il s’était engagé, quelques mois plus tôt, ses officiers… Ses bien bons officiers n’avaient eu de cesse de vanter les mérites de la force alliée, du Corps Expéditionnaire, de la gigantesque Armée Française. Il faut croire qu’ils n’avaient pas réalisé à qui ils auraient affaire. En quelques jours, tout avait basculé, le front Sud avait été totalement submergé, et si au départ le spectacle d’hommes en débâcle totale, fuyant en voiture, à vélo, à cheval ou à pied, les chaussures détruites par l’ardeur de leur course, lui paraissait totalement intolérable, cela ne constituait plus aujourd’hui qu’un élément du décor. Le véritable spectacle, c’était la puissance de l’ennemi. Le véritable spectacle, c’était la déroute totale des forces alliées.

Et il n’y avait plus rien à faire.

Hier encore, il pensait se battre jusqu’à son dernier souffle. Mais après les évènements de la nuit, seule la peur l’animait. Il voulait partir. Il voulait survivre. Le problème, c’est que c’était le cas de tout le monde.

En soit, la soirée avait relativement bien débuté, leur regroupement, fort de 500 hommes, de 4 pièces de 75 laissées par les Français et même d’un char Matilda, qui, faut il croire, avait été abandonné par son équipage, avait reçu pour consigne de tenir Monchecourt, un minuscule patelin situé quelques kilomètres au Nord de Cambrai. Autant dire que la situation était déjà en soit exceptionnelle : hormis eux, l’ensemble des forces Britanniques avait déjà quitté le secteur, seuls restaient les Français, le visage terne, résigné, eux semblaient avoir déjà croisé l’ennemi.

Tout débuta vers 21h. La nuit venait de tomber, et c’est alors que William put les voir. Ou plutôt les entendre. Les chars. Un grondement sinistre, à faire trembler le sol. Toutes les forces étaient positionnées sur une faible ligne de défense qui couvrait l’ensemble de la face Sud du village. Placés en affut des premières maisons, les quatre pièces de 75 attendaient patiemment leur cible, le Matilda, lui, avait été positionné juste à proximité de l’endroit où se terrait William. Plus au Nord enfin, en arrière de Monchecourt, se trouvait le commandement, avec tous les autres buveurs de bon thé.

« Des Chars »… La peur l’envahit soudainement. Se battre contre des hommes, il savait faire, mais ils n’avaient pratiquement rien pour résister à une charge blindée ! Il se tourna alors vers Henry, son meilleur camarade, celui avec lequel il avait passé la plus grande partie de son temps depuis son arrivée en France. « Je crois qu’on est foutus, Henry. », lui dit-il d’une voix tremblante.

- Courage vieux frère, fais ce que je fais, c’est ce que m’a dit mon voisin de droite quand je lui ai dit la même chose que toi…
- Je comprends pas comment t’arrives encore à plaisanter ! Souffla William, paniqué.
- Disons que je m’entraîne, Dieu sera plus disposé à m’accueillir si je le fais rire…

Mais il ne riait pas. Il pleurait. Silencieusement. Lui aussi savait, il les avait vus. Les Panzers, ces machines terrifiantes, roulant à toute vitesse, armées de leurs canons, instoppables tant leur nombre était important.

« Je crois que… ». Henry n’eut pas le temps de terminer sa phrase : une gigantesque explosion venait de retentir cinquante mètres derrière la ligne… Sur l’un des canons de 75. Les débris n’étaient pas encore retombés que déjà, une nouvelle détonation brisait une des maisons, celle-là même où William et lui s’étaient fait un café dans l’après-midi. Puis une autre, et encore une autre, et encore une autre… L’air semblait se compacter, comme si un vent violent soufflait ses bourrasques sur son visage. « ARTILLERIE ! ». Ils se mirent à crier. Pas du cri rauque et cruel d’un fier guerrier se préparant à la bataille, non, celui-ci ressemblait davantage au glapissement timide d’un chien effrayé.

« Compagnie ! FEU A VOLONTE ! ». William ne sut jamais qui avait donné l’ordre, si c’était un bête troufion ou bien un des officiers, mais le résultat fut immédiat, tous les fusils s’éclairèrent en une seule et même détonation. Les Canons entamèrent également leur tir, le Matilda, lui, semblait attendre son heure. Mais sur quoi tiraient-ils ? Le savaient t’ils seulement ? Impossible d’y voir à plus de 200 mètres ! Mais comme en réponse cette question, la campagne qui leur faisait face s’illumina d’une série de flash intenses. Puis la terreur. William se retrouva projeté contre le mur de sa tranchée, tout ce qui se trouvait autour de lui était en train d’être réduit en miettes, et se redressant, il ne put qu’assister, hébété, à la totale destruction de la ligne de défense. Les hommes ne mourraient pas, ils disparaissaient tout simplement, sombrant dans les flammes de ce nouvel enfer terrestre. L’un des canons de 75, projeté dans une immense colonne de flammes, s’éleva à près de trente mètres de hauteur, avant de retomber, éclairant la nuit et le carnage qui l’animait de sa lueur orangée, au beau milieu de la tranchée, à quelques mètres seulement de là où se trouvait Henry il n’y a même pas dix secondes.

Mais où était Henry ? Paniqué, le visage recouvert de terre, William se redressa, cherchant partout au milieu du désastre, où pouvait bien se trouver son ami. Il ne réalisait pas encore qu’il n’était plus nulle part. Il avait disparu lui aussi, déchiqueté par un des obus de 50 mm, tiré d’un Panzer III. Déjà, la bataille semblait diminuer en intensité. C’était l’évidence même : des cris commençaient à se faire entendre. Mais pas de souffrance. Non, seulement de panique. Face à pareille offensive, il ne pouvait y’avoir eu de blessés. Seuls quelques hommes, réduits à l’état de rats se terrant dans leur trou, avaient pu survivre, car tout ce qui dépassait de plus d’un centimètre du haut de la tranchée avait été fauché.

Bientôt ne demeura plus que le bruit, de plus en plus insoutenable, des chenilles contre le sol. Et lui, William Conan Eglesist, Soldat de profession, lui qui avait prêté Serment à Sa Majesté de la défendre contre l’ennemi Allemand, lâcha son fusil, et se mit à pleurer, seul, au fond de ce qu’il croyait être sa tombe. Il n’y avait plus rien à faire, et, son visage entre ses mains, il ne remarqua même pas le Char qui enjamba sa position, passant juste au dessus de sa tête.

Il demeura ainsi prostré ce qui lui parut être une éternité. Ne règnait plus que le silence, et le désespoir de la mort. Lorsqu’il reprit finalement ses esprits, la chaleur du brasier qui l’entourait avait disparu, l’affut tordu du canon, gisant à quelques mètres de lui, était pratiquement tout ce qui restait dans la tranchée, seuls quelques morceaux épars des corps de ses camarades jonchaient ça et là la terre recouverte de cendres. Il n’y avait plus que lui. Et le jour pointait.

Il se leva, vacillant, et de la main droite se claqua le visage. « Henry est mort. Ils sont tous morts. Je dois partir, vers le Nord. Vers nos lignes. ». Il avait terminé son initiation. Son père lui aurait probablement dit d’une voix solennelle : « Voilà, tu es un homme maintenant. », mais il se trouvait qu’à présent, il était seul. Il grimpa la tranchée, et regarda, le visage inexpressif, le spectacle de désolation qui l’entourait. Le Matilda était renversé sur le côté, aucune des maisons du village ne tenait encore debout, et la tranchée semblait se mêler aux cratères sur presque la moitié de sa distance. Les corbeaux parsemaient ci et là le champ de bataille, se régalant des restes émiettés de ses camarades. Lorsque soudain, quelque-chose attira son attention. Il y’avait une silhouette au loin, titubante. Pris de panique, William eut le réflexe de saisir son fusil. Mais il ne l’avait plus. Où était passé ce satané machin ? Il ressauta dans son trou, et s’enquit de trouver son arme. Ce fut chose faite assez rapidement, elle s’était coincée sous le canon. Se redressant, il visa dans la direction où il avait vu l’homme. Ses doigts tremblaient. « Mais où est-il passé ? », se mit-il à murmurer en boucle, la voix devenue étrangement sifflante. Soudain, l’homme reparut de derrière un mur en ruine. William ne réfléchit pas.

Les corbeaux s’envolèrent tous simultanément, et, un temps semblant obscurcir le ciel, ils finirent par retourner à leur repas. Il l’avait eu. Il grimpa à nouveau la tranchée et se précipita sur sa cible. Mais, faut-il croire, l’horreur n’en était-elle qu’à ses prémices ! C’était le Commandant de l’Unité. Fort heureusement, il vivait encore. Il avait l’air hagard, sa moustache rousse, brulée sur tout un côté, lui donnait l’air de s’être étalé du camboui sur le visage. Son uniforme était déchiré, et son bras droit semblait désormais tenir en deux morceaux. William venait de le lui trancher. « Bon Dieu, mon Commandant, je… Je vous ai pris pour un de ces diables ! ».

- Menez moi au QG. Lui murmura t’il.

William resta totalement stupéfait par cette réponse. L’officier était calme, ne semblant guère se soucier de sa terrible blessure. Mais il finit par comprendre qu’il était encore plus choqué que lui par les évènements de la veille. Après tout, c’était SA compagnie, SES hommes. « Oui mon Commandant. » fut la seule réponse qu’il parvint à formuler. Aussitôt il enroula son bras autour de la nuque de l’officier, et le redressant, parvint à le faire se tenir debout, appuyé sur son épaule.

Ils traversèrent ainsi, tels les deux derniers rescapés d’un crash, ce paysage lunaire où seule la Mort semblait vouloir élire domicile. Fort étrangement, le QG avait été relativement bien épargné. Le camion, du moins, avait encore toutes ses roues. Les tentes… Disons qu’il allait falloir une visite chez le couturier. « La radio… » Souffla le Commandant dans un râle. William le mena à l’appareil. Mais il avait été détruit. Il décida néanmoins d’y déposer l’homme. Assis, le dos appuyé contre la roue du camion, il dévisagea son dernier soldat. « Nous avons des troupes à Lille, à… - Il se mit à tousser – quelques kilomètres au Nord d’ici. ».

- Mon officier, demanda William d’une voix faible, que dois-je faire ?
- Dirigez vous là-bas… Et rejoignez les… Rentrez en Angleterre mon garçon. Nous avons perdu la Guerre.

L’officier ferma les yeux, et une larme coula le long de sa joue. Il ne semblait plus souhaiter dire quoique ce soit. Et c’est le moment que choisit cette foutue sirène pour se faire entendre. William écarquilla les yeux, s’immobilisant, tétanisé. « FUYEZ » Lui hurla le Commandant. Et c’est ce qu’il fit. Il courut aussi vite qu’il put, lâchant son arme. Il n’avait parcouru qu’une cinquantaine de mètres lorsqu’une terrible explosion le souleva du sol sur toute sa hauteur. Retombant brutalement au sol, il osa un regard vers le camion. Il n’existait plus. Le Commandant non plus.
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#2

LUSO

    Aviateur

  • Membre
  • PipPipPipPipPipPip

Posté 02 décembre 2014 - 23:46

Laisse moi le temps de récupérer, surtout après avoir vu un 29-32 tonnes me reculé dans le pif malgré mes avertissements.
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#3

Flanker67

    Aviateur

  • Membre
  • PipPipPipPipPipPip
  • Moniteur AV-8B

Posté 03 décembre 2014 - 13:05

On s'y croirait....vivement la suite !
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#4

White-sky

    Nobilium vulgari

  • Lieutenant Colonel
  • Moniteur KA-50

Posté 03 décembre 2014 - 17:31

Au final, j'ai réfléchi et j'ai décidé d'ajouter un personnage, ce sera le Lieutenant Wilhelm, chef de char de Panzer III. L'idée ce sera de raconter deux histoires différentes en parallèle. Je rajouterai peut-être encore d'autres personnages plus tard (je pense à un Japonais notamment). Voici le premier récit sur Wilhelm, il est assez tranquille, et prend place à proximité de Créhen, en Belgique, le 12 Mai 1940.


Titre 2 : Entre le marteau et l’enclume.


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12 Mai 1940, à proximité de Hannut, Belgique.


Wilhelm regarda sa montre. Il était 8h30 du matin. L’ordre de l’assaut ne devrait plus tarder. La Belgique plierait. Comme tout le reste. Et c’est du haut de son Panzer III qu’il assisterait à la défaite de la vermine Française. Chef de char à 20 ans, il était l’un des éléments les plus prometteurs de sa Division. Mais cela ne le privait pas d’angoisses. Être à la tête d’un blindé, avoir la vie de ses hommes au bout d’un micro, n’était pas forcément chose facile. Mais c’était toujours mieux que de se retrouver à pied. Comme ces pauvres bougres d’hier, qui étaient tombés sur un de ces fameux B-1 Bis dont l’Etat Major leur avait tant rebattu les oreilles. « Ne les attaquez surtout pas seuls ! » , leur avait-on asséné pendant des semaines. Malheureusement, la guerre n’était pas un entraînement, et toute erreur était impardonnable.

L’interphone se mit à grésiller. « Lieutenant de Dieter, on a ordre de rejoindre 301 à proximité de Créhen. ».

- Bien pris, on met en route.

Le fracas du moteur retentit, et les vingt tonnes du blindé s’ébranlèrent. Cet engin filait bien rapidement pour son poids. Quarante kilomètres heure. Mais ce n’était guère le moment pour s’enthouisasmer des performances de sa machine. Saisissant ses jumelles, le vent en pleine figure, Wilhelm commença à scruter l’horizon à la recherche de cibles possibles. Ils n’étaient qu’à 2 kilomètres de Créhen et du point de rendez-vous, mais les forces Françaises occupaient le village, avec, selon les renseignements, au moins trois chars, des Hotchkiss, et plusieurs canons de 25mm. Mais la vision qu’il avait désormais dans ses jumelles lui imprima un large sourire sur le visage. « Trois chars hein ? Ah ah ah… Les Français… Nous en avons cinquante ! ». Et en effet, dans la plaine herbeuse qui se dévoilait désormais devant lui patientait un regroupement de deux Compagnies de Panzers II et III. Parfait.

- 304 en position. Dit-il à la radio pour informer les autres blindés de sa présence.
- 304 de Veintel-1, bien pris. Toutes les unités sont en position et ravitaillées. Lancement de l’assaut à mon signal selon les dispositions de la veille.
- 304 bien pris, en attente.

« Lieutenant, ça va bastonner non ? ». C’était Wolfgang, le tireur. En deux jours d’offensive, il n’avait eu qu’un canon d’artillerie à se mettre sous la dent. Autant dire qu’il en voulait. « Faites votre travail comme on vous l’a appris, Sergent, et vous verrez le résultat. ». Le jeune homme acquiesca. Ce char était une vraie garderie, l’homme le plus âgé était Wilhelm, les autres n’avaient que 18 ou 19 ans. Tout d’abord, il y’avait Wolfgang, son tireur. Il avait fini premier au classement lors des dix dernières séances d’entraînement. Autant dire qu’il valait mieux l’avoir de son côté. Venait ensuite Dieter, l’opérateur Radio, également mécanicien à ses heures perdues. Il était le plus jeune du char, et avait soufflé ses 18 bougies il y’a huit mois. Enfin, il y’avait leur petit fantôme, car de loin le plus silencieux, leur pilote, Hans. Mais ce qui différenciait Wilhelm, en tant que chef de char, du reste de l’équipage, c’était bien entendu qu’il décidait. Et c’était une terrible différence.

« De Weintel-1 à tous les chars, on avance, on avance ! ». L’ordre était enfin donné, et Wilhelm sentit l’adrénaline monter en lui. « EN AVANT ! », et les Panzers s’élancèrent au galop. Leur bruit était proprement assourdissant, et la fumée qu’ils dégagaient, combinée à la poussière que leurs chenilles soulevaient, gènait considérablement la visibilité. Levant les yeux au ciel, il put apercevoir un Schwarm de Stukas en train de les survoler,tandis que, déjà au devant d’eux, et sur toute la largeur du village, les obus de l’artillerie accomplissaient leur œuvre, rasant les bâtiments, déracinant les arbres, démembrant les hommes. Les Panzers étaient maintenant tous lancés à pleine vitesse. « DE WEINTEL-1, A MON ORDRE, FEU A VOLONTE ! ». Et le Lieutenant de s’écrier dans l’interphone « EXPLOSIF, FEU ! ». Simultanément, les cinquante canons, tous braqués sur le village, déclenchèrent leur déluge de feu et d’acier. Rien ne pouvait survivre à pareille action. Rien.

Et c’est au milieu de ce chaos, de cette chevauchée brutale où se mêlaient le fer et le sang, que Wilhelm se surprit à rire, à rire comme un dément, les cheveux aux vent, aux commandes de son monstre de métal. Il se sentait invincible. Et il n’était pas le seul. Ce sentiment semblait partagé par tous les équipages. Et de fait, il étaient tous tellement occupés à se sentir invicibles qu’il ne comprirent que trop tard qu’ils étaient tombés dans un piège. Une légère erreur avait en effet été commise par les renseignements. Il n’y avait pas trois chars Hotchkiss ce jour-là à Créhen, mais bien vingt et un, ainsi qu’une vingtaine de pièces anti-char de 25 et 75mm. Arrivés à seulement trois cent mètres des premiers bâtiments, criants déjà victoire, ce fut au tour des blindés Allemands de subir le feu Français. Et ce feu là fut bien plus dévastateur. En un très bref instant, pas moins de dix-sept canons embusqués firent simultanément feu sur autant de cibles, en détruisant certaines, endommageant sévèrement les autres.

La Bataille pour Créhen venait de commencer.

Surpris, Wilhelm l’était. Le blindé qui roulait à quelques mètres du sien venait d’exploser en morceaux, le projetant brutalement contre la trappe de son tourelleau. Brusque retour à la réalité d’une guerre aussi violente qu’imprévisible. « VIRAGE GAUCHE SOIXANTE DEGRES, PLEIN POT ! ». Il s’époumonait dans son micro, car en effet, le char voisin détruit, il y’avait toutes les chances qu’ils soient les prochains sur la liste. Le Panzer joua brusquement de ses suspensions tandis que le virage lui permettait de se retrouver à l’abri d’un bâtiment. Sauvés.

Le jeune Lieutenant descendit alors de son char et, longeant le bâtiment, se rendit jeter un coup d’œil vers le champ de bataille, laissé derrière eux, plus au Sud. Le bruit était proprement assourdissant, et le blast des canons lui faisait se hérisser les cheveux sur le crâne. Malgré tout, ce qu’il vit le rassura en partie. Sur la plaine, seuls huit blindés semblaient immobilisés, et trois seulement brûlaient. Les autres se retrouvaient dans une situation assez similaire à la sienne, à l’arrêt au couvert des bâtiments, mais décalés vers l'Est de près de 800 mètres. « Lieutenant, Weintel-1 pour vous ! ». C’était Dieter.

- J’arrive ! Et il courut à son Char, enjambant d’un saut la chenille, il se retrouva bien vite avec le casque radio sur les oreilles. Weintel-1 de 304, j’écoute.
- 304, ces salopards nous attendaient ! Vous êtes parfaitement positionné pour démolir les foutus blindés qui nous bloquent le passage, deux rues plus au Nord-Est de votre position. 203, 402 et 403 sont également dans votre secteur, mettez vous en liaison avec eux, et débrouillez-vous pour m’éliminer ces enfoirés !

Wilhelm sentit le sang lui monter aux joues. Voilà qu’il se retrouvait maintenant à commander trois blindés en plus du sien. « De 304, entendu. Terminé. ». Le ballet des Stukas se poursuivait au dessus de leur tête, mais ils étaient fréquemment éloignés par les tirs des canons anti-aériens. Ceux-ci s’étaient réveillés après l’embuscade, et le village était désormais difficilement approchable par les airs. « Dieter, démerde toi pour prendre contact avec 203, 402 et 403, tu as cinq minutes. ». Dieter, dont le visage blême était visible depuis le tourelleau, acquiesca.

Dix minutes plus tard, ce n’était plus un char, mais bien quatre qui se trouvaient en position au Sud-Ouest du village. Trois Panzer III, et un Panzer II. Wilhelm se tenait au dehors, en compagnie des autres chefs de char, tous les quatre rassemblés autour d’une carte du village.

- En passant par cet axe, 203 et moi nous pouvons assurer un feu de couverture une fois votre attaque sur le point d’être lancée. C’était le Lieutenant Einrich, un excellent élément, il avait remporté deux victoires contre des Chars Somua Français la veille.
- On ne sait pas combien ils sont, je vous propose plutôt passer par cet axe-ci, de cette manière, nous les prendrons à revers, leur bloc moteur sera exposé, il n’y a pratiquement que par là qu’on peut espérer percer ces fumiers ! Tempéra Wilhelm. Egalement, il faudra que l’on s’occupe de la DCA pour la suite des opérations, si possible, autant prendre de l’avance, leur batterie semble positionnée à l’arrière de l’église. Il se trouve justement que vous deux, vous passerez à une maison de leur position, alors occupez vous en, le 20 mm du Panzer II devrait faire merveille contre ces piétons.
- Bien, donc, pour récapituler, 203 et moi, on passe par l’intérieur du village, jusqu’à l’église où on élimine la DCA, puis on bifurque et on se place sur voyons… Ce croisement, où l’on aura un angle de tir parfaitement dégagé sur la Place de la mairie, où se trouvent les Français. Pendant ce temps, 403 et 304, vous irez Sud-Est sur cette route, à l’abri de la haie, et chercherez également à prendre visuel de là sur la place ? J’ai bon ?
- Affirmatif. C’est exactement ça.

Einrich sourit. Le briefing était terminé. Ne restait plus qu’à entrer en piste. Wilhelm, lui, ne souriait pas. Quatorze vies dépendaient désormais de lui, et il y’avait la sienne, de surcroît. Les quatre blindés se séparèrent donc, le premier groupe pénétra dans le village à pleine vitesse, ne s’arrêtant qu’aux angles, et se dirigeant vers la place de l’église, tandis que le second, mené par Wilhelm, bifurqua par une petite route pavée et se retrouva bientôt la tourelle en faïence le long d’une haie qui longeait la chaussée. Ils poursuivirent ainsi, le canon braqué sur la gauche, vers la ville, jusqu’à obtenir un point de visée sur l’axe d’entrée, à droite duquel le gros de leurs forces était bloqué. Il donna finalement l’ordre de stopper les machines. Le barrage de blindés et de canons anti-chars était presque visible, il lui suffirait de s’avancer de trente mètres et la visée serait dégagée.

De violentes explosions se firent soudain entendre depuis l’intérieur de la ville. 203 et 402 étaient entrés en action. Le clocher, visible depuis la position de Wilhelm, vola brusquement en éclats et une fumée noire commença à s’élever du centre ville. « De 402 … Sous le feu, on continue notre progression, Eglise nettoyée… En position d’un instant à l’autre, ouvrez le bal. ». Soulagé de cette information, le Lieutenant donna l’ordre à Hans, son pilote, d’avancer en marche lente. Il put finalement apercevoir, à presque six cent mètres, le barrage. « Nom de Dieu. Veintel-1 de 304, on a une dizaine de Hotchkiss sur la place centrale, et autant de canons, ils sont embusqués pour la plupart, sans aviation, on arrivera à rien. ».

- 304 de Veintel-1, bien pris, les Stukas sont déjà en route.
- De 304, Bien compris, terminé. 402 de 304, vous me recevez ?
- De 402, on vous reçoit. On a visuel sur un regroupement de neuf Hotchkiss sur la place. Ils ne nous ont pas encore repéré, distance 300 mètres.
- De 304, on ouvre le bal, ouvrez le feu dés qu’on les a réveillés, terminé.

« Wolfgang, cible, Hotchkiss qui se tient de profil, Sud de la place. 403, cible, Hotchkiss de face, centre de la place. ». Ne restait plus qu’à attendre la confirmation de visée des deux tireurs. Et ce serait le début du combat. A cette distance, et cela tous le savaient, leurs canons n’avaient que peu de chance de percer le blindage des Hotchkiss. Mais les choses étaient bien différentes pour ceux situés de l’autre côté de la ville. « Paré au tir. ».

« Feu. ». Une flamme aveuglante jaillit des deux canons, tandis que le char de Wilhelm se mit à osciller sur ses suspensions. S’ensuivit un fracas retentissant venant du village. Non seulement les obus avaient atteint leurs cibles, mais au moins l’un d’entre eux avait détruit la sienne. Presque simultanément, une terrible succession d’explosions, provenant elle aussi du village, se fit entendre : 203 et 402 étaient passés à l’action. Et pour ne rien gâcher, c’est précisément le moment que choisirent les Stukas pour arriver au dessus de la zone. Le son de leur alarme retentit à son tour, suivi de gigantesques geysers de terre et de ferraille, jaillissant d’entre les cheminées. Finalement, tout se passait bel et bien comme prévu. « FEU A VOLONTE ! ».

- 304 de Veintel-1, la voie est-elle libre ?

Wilhelm, qui continuait de scruter la place aux jumelles, comptait déjà cinq chars ennemis en proie aux flammes, et la plupart des équipages des canons anti-chars avaient été réduits en miettes par le 20 mm de 203.

- Veintel-1 de 304, la voie semble presque dégagée, il ne reste plus rien ou presque du regroupement blindé adverse, et… Attendez… Oui je crois qu’ils se replient. Ils se replient vers le Nord-Ouest. Ils quittent la place.
- 304, bien pris, félicitations, z’aurez au moins la croix de fer pour cette action. Terminé.


Ce que ni Weintel, ni Wilhelm ne savaient alors, c’est que les dix chars Français en flammes sur la place de Créhen étaient les premières pertes d’une force composée de quatre-cent machines, supérieures à son Panzer III en armement comme en blindage, et qui patientait à quelques kilomètres de là, à proximité du village de Hannut. La première grande bataille de Chars de l’histoire aurait lieu le lendemain.
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#5

White-sky

    Nobilium vulgari

  • Lieutenant Colonel
  • Moniteur KA-50

Posté 04 décembre 2014 - 04:42

Titre 3 : Les rats quittent le navire.
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1er Juin 1940, plages de Dunkerque.



La honte. La honte avait pris la place de la peur dans le cœur de William. Lorsqu’il avait traversé les lignes de défense de Dunkerque, qu’il avait vu de ses yeux ces hommes, tous ces hommes, en position, prêts à en découdre, à arrêter l’ennemi coûte que coûte, il n’avait pas croisé le moindre Britannique. Seuls demeuraient les Français. Non contents de résister sur leur sol face à l’écrasante machine de guerre Allemande, ils assuraient par la même la sauvegarde de leurs alliés. Ceux-ci, en revanche, ne faisaient rien d’autre qu’attendre. Attendre pour l’embarquement. Attendre sous un feu d’enfer. Attendre pour s’enfuir.

Les dunes qui précédaient la plage proprement dite étaient noires de monde, des soldats Britanniques, Ecossais, Belges. Mais presque pas de Français. Non qu’ils soient tous morts, non. Ils étaient simplement… Là-bas. Derrière le rideau de flammes qui recouvrait désormais la ville de Dunkerque. Plus un seul bâtiment debout. Seulement les détonations de l’Artillerie, les alarmes des Stukas, le tremblement des bombes. C’était derrière lui. Le spectacle qui s’animait sur la Mer, lui, n’était guère plus réjouissant. Des centaines, des milliers de navires, de guerre pour certains, de commerce pour d’autres, mais simplement de plaisance pour la plupart, tout ceci orchestré sous les tirs permanents de l’Artillerie et de l’Aviation Allemande. Une Armada de fortune certes, mais une Armada quand même.

Pas plus tard que ce matin, on comptait déjà plus de cinquante navires envoyés par le fond par le déluge de bombes et de plomb qui s’abattait depuis le ciel. Sur la plage en elle-même, il n’y avait presque personne, hormis ceux qui s’apprêtaient à embarquer. De nombreux véhicules blindés, des canons, des chars même, tous les anciens fleurons de l’Arme mécanisée Alliée, s’y retrouvaient désormais à l’abandon, en proie aux obus adverses. Aussi, s’aventurer dans pareil décor , totalement à découvert, relevait dés lors d’une gageure. Celle de revenir en suffisament de morceaux pour remplir une boîte d’allumettes. William patientait donc. Espérant que son Régiment finirait par être appellé. Inutile, bien évidemment, de préciser qu’il n’avait eu que peu d’explications à donner pour justifier qu’il était le seul survivant de sa compagnie. Vraisemblablement, c’était la norme. Le ciel était zébré des tirs de la DCA, et les chasseurs s’affrontaient au dessus de leurs têtes, deux d’entre eux s’étaient par ailleurs écrasés ce midi sur la plage, après s’être percutés en vol. Il n’y avait pas d’endroit sûr où se cacher, et le fracas assourdissant des explosions avait désormais remplacé le cri des mouettes. Son regard se porta alors sur une colonne d’infanterie, peut-être un millier d’hommes, qui venait de se précipiter sur la plage, vers un Destroyer qui semblait les y attendre. Ses canons étaient chauffés au rouge à force de tirer. Ses échelles étaient déployées depuis la passerelle, et un groupe de matelots aidait les fuyards, entassés sur de simples barques, à monter à bord. Un bien beau navire, il avait fière allure. Pas comme ses nouveaux passagers. Eux étaient aussi dépenaillés que terrifiés. Ce vaisseau n’aurait jamais du être là, il était fait pour les combats de haute mer, pour filer ses trente nœuds, tous canons pointés vers le ciel, sa peinture grise luisant au soleil. Au lieu de quoi, il gisait là, à deux doigts de s’échouer, semblant espérer la marée haute pour pouvoir repartir, tel un cétacé à l’agonie.

Déjà la moitié du contingent était grimpé à bord. Lorsqu’une voix tira William de ses rêveries : « IGLESIT WILLIAM ! ». Se relevant immédiatement, il chercha qui pouvait bien l’appeler. C’était le Lieutenant Andrew, un bien bel officier, la casquette impeccablement vissée sur sa tête moustachue, les yeux perçants… Ne manquait plus que le sabre et il serait fin prêt pour rendre visite au Roi ! « Ici, mon Lieutenant. ». A peine s’il lui accorda un regard en retour. Il tenait une liste et un crayon entre les mains, et se contenta de cocher son nom. Puis il reprit l’appel des autres hommes. Bien peu répondirent ce jour là. William retourna à ses pensées. Tant de morts, tant de haine, mais que peuvent les hommes face à pareille abomination ? A peine remarqua t’il le Lieutenant s’effondrer à quelques mètres de lui, la jugulaire tranchée par une balle, vraisemblablement perdue. Lui avait perdu toute sensibilité à ce sujet. La traversée à pied de Dunkerque, où les cadavres des civils au milieu des décombres cotoyaient ceux des militaires, au fond des cratères, l’avait par trop éprouvé. Les cris des enfants, les pleurs des mères, les râles des blessés. Et dire qu’il n’y a pas six mois, ils étaient tous si heureux de partir en guerre. Ils s’étaient trompés sur toute la ligne. Sauf peut-être sur le fait qu’ils rentreraient bien vite en Angleterre. Bien trop vite en fait. Ce n’était plus la crainte de la mort qui animait William. C’était désormais celle de la ramener chez lui. Cambrai, Lille, Dunkerque… Toutes ces villes étaient en ruine. L’Armée Française était pourtant la première du monde. Qu’en serait-il de Douvres, de Cambridge, de Londres lorsque les Allemands traverseraient la Manche ? Car si les Alliés y parvenaient dans pareilles conditions, autant dire que l’ennemi n’aurait aucun mal à le faire une fois toute résistance écrasée.

« Bon, William, il est temps de te bouger le cul un peu. ». Voilà qu’il pensait à voix haute. Il ne pouvait plus rester ici à attendre. Retourner à Dunkerque ? Non, cela ne servait plus à rien, c’était l’évidence même que ce combat était perdu d’avance. Qui plus est, l’immense colonne de flammes qui la recouvrait ne la rendait guère attrayante. Son unité était détruite, il n’était plus qu’un nom parmi les autres, alors autant rejoindre un autre Régiment, rentrer en Angleterre tout de suite, et participer à la défense de son pays. Il se leva, et tournant son regard vers les quelques centaines d’hommes qui restaient à monter sur le Destroyer, se mit en marche vers elles. La plage était rendue poisseuse par le sang des hommes et le Diesel des Navires. Il avançait péniblement. Arrivé au devant des vagues, le sable recouvert des cadavres des poissons qui, sonnés par les obus, avaient terminé leur vie à terre, il s’enquit de se placer dans la file d’embarquement. C’est alors qu’un officier se tourna vers lui : « Qu’est-ce que tu fous là toi ? ».

- Je n’ai plus d’unité mon officier, j’étais à Monchecourt, je suis le dernier survivant. Je veux simplement rentrer et me battre pour ma patrie.

L’officier le regarda, l’air suspicieux.

- Bon très bien, rejoins mes hommes, on verra si tu dis vrai une fois qu’on aura traversé, dans l’immédiat, je pense qu’il est inutile de t’infliger le chemin du retour.

A peine avait t’il terminé cette phrase qu’une douzaine d’hommes, eux aussi en marche vers les barques, sauta sur un obus. Tous deux ployèrent sous le souffle de la déflagration, tandis que le sable, mêlé au sang et au carburant, les éclaboussait en une gelée âcre et puante. « GRIMPE IMBÉCILE ! MAGNE TOI ! ». Il n’en fallut pas plus à William pour se précipiter à l’eau vers l’une des embarcations. Cinq cent mètres à parcourir sur ce bout de bois pourri, et ce serait terminé. Quelle merveilleuse aventure. Il garderait de la France un souvenir des plus agréables, que d’exotisme, de chaleur humaine, et leurs plages… Leurs plages ! L’esquif tanguait de babord à tribord au gré des vagues, pour beaucoup causées par les obus. Parvenant enfin à l’échelle, suivi de près par le Lieutenant, ils entamèrent la montée sous les cris des matelots, les pressant de parvenir à bord, le Vaisseau était sur le point de partir. A moitié plaqué contre la coque, William ressentit les vibrations des pièces de DCA, qui tiraient, tiraient, tiraient. « ATTENTION ! ». L’air se comprima brusquement, et il fut éjecté de l’échelle. Une explosion venait de retentir sur le pont, propulsant des dizaines d’hommes dans les airs. Les plus chanceux, comme lui, finirent à l’eau. Les autres allèrent se briser sur le navire, ou plus loin encore, sur le sable. Le navire brûlait. Mais il semblait malgré tout tenir bon. Les canons redoublèrent d’efforts pour éloigner l’essaim de Stukas qui venait de se former au dessus d’eux. L’un d’entre eux, mortellement atteint, entama de se briser en morceaux dans sa chute vers la mer. Il termina sa course sur le pont d’un autre navire, placé en retrait, à quelques centaines de mètres. L’explosion qui s’ensuivit l’ébranla de la proue à la poupe, et la coque, tranchée de la quille au pont, se mit à former un angle des plus disgracieux. Puis il entama de se retourner. Son équipage, en proie aux flammes, hurlait de douleur et de désespoir tandis qu’il se jetait comme un seul homme dans les flots. Mais un spectacle bien plus inquiétant encore attira l’attention de William, qui, encore étourdi de l’acrobatie à laquelle il venait de se livrer, venait tout juste de réaliser le terrible danger qui le guettait. Le pétrole. Le pétrole qui recouvrait la Mer venait de s’enflammer. Le voilà l’enfer, le vrai. Et voilà qu’il vient lui rendre visite. Terrifié, il se remit à nager de plus belle vers le Destroyer, lui-même encore bien fumant de ce qu’il pouvait en voir. Mais il préférait mourir les pieds sur le sol, fut-il artificiel et fait de bois, que noyé dans une Mer de flammes.

« Ça crame derrière moi nom de Dieu de nom de Dieu ! ». Mais il parvint finalement à regagner l’échelle, et, au prix d’un terrible effort, à se hisser jusque sur le pont du vaisseau. Ce qu’il y vit manqua de lui donner envie de repartir. Le pont était perforé d’un trou de deux mètres sur trois, et se trouvait en proie aux flammes. Des hommes par dizaines s’activaient tout autour pour tenter de maîtriser l’incendie, tandis que d’autres, abasourdis, ne semblaient plus parvenir à détourner les yeux des débris laissés par les malchanceux qui, fut-ce par la volonté de Dieu ou bien par celle du Diable, s’étaient trouvés sur la trajectoire du projectile. William parcourut la scène du regard, pour finalement se détourner vers la Mer. Elle brûlait jusqu’à la plage. Il fallait partir, sans quoi ils y passeraient tous. Comme si le Commandant avait entendu ses réflexions, le Destroyer s’ébranla de nouveau, il amorçait son départ. La fumée masquait tout, seule la plage demeurait encore visible. Puis encore la fumée, de Dunkerque cette fois. Tant d’hommes étaient encore à secourir. Les chasseurs, il les voyait bien maintenant, multipliaient les passages à la mitrailleuse sur les réfugiés, les bombes pleuvaient, les obus tonnaient. Et la Mer. La Mer, elle, brûlait. L’enfer.

Mais ils s’éloignaient déjà, lorsque, brusquement, William se retrouva à nouveau projeté en l’air, pour terminer cette fois-ci sa course contre une des batteries de 120 mm. Le choc fut effroyable, et une très vive douleur le traversa des pieds à la tête. Il se redressa, et tendant les bras devant lui, s’assura que rien ne manquait. Tout était à sa place. Ou en tous les cas c’est ce qu’il lui semblait. Il lui faudrait s’en contenter jusqu’à son arrivée en Angleterre. S’il y parvenait un jour. Regardant autour de lui, il identifia finalement la source de l’explosion. Un autre Destroyer, positionné à quelques centaines de mètres de là, avait été frappé de plein fouet par une bombe. La soute à munition semblait atteinte, et un gigantesque panache de fumée noire s’en échappait. Le vaisseau entama de s’incliner sur babord, tandis que les rares survivants de la déflagration, paniqués et sonnés, cherchaient à se jeter à la Mer. Cherchaient à se jeter dans les flammes. Il n’y avait rien à faire. Ils étaient perdus. Tous perdus. Leurs cris retentissaient au milieu du fracas des explosions, le recouvrant parfois au gré du vent. Et cela dura pendant plusieurs minutes, le pétrole enflammé leur recouvrait la peau, s’y mêlait en un terrifiant alliage. Leurs visages n’étaient plus que des masques de plastique portés à ébullition. Et les hommes présents sur les autres embarcations en étaient réduits à contempler ce désastre, cette illustration parfaite de toute la Campagne. Le navire sombre. Les hommes brûlent.

Le Destroyer filait désormais à vive allure, ses cheminées semblant par moment dégager presque autant de fumée que Dunkerque elle-même. En une demi-heure, ils étaient déjà proches de l’Angleterre. Les canons, eux ne cessaient de tirer, et William en ressentait la chaleur à plusieurs dizaines de mètres. Il n’entendait plus rien. Les hommes semblaient tous profondément éprouvés par l’épreuve qu’ils venaient d’endurer. Et l’accueil, certes des plus chaleureux, que leur réserva la population à leur arrivée au pays n’y changea rien. Ils avaient vu la mort, lui avaient échappé. Mais ils avaient abandonné leurs frères d’armes, restés se battre pour les sauver. Ils avaient abandonné les Français.

William ne l’oublierait jamais.
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#6

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Posté 05 décembre 2014 - 23:43

Titre 4 : Le Somua de Hannut.

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12 Mai 1940, Créhen en Belgique, 17h30.

Les combats dans Créhen furent intenses. Très intenses. Les chars s’affrontaient dans les rues, dans les jardins, dans un titanesque corps à corps. Wilhelm avait peur. Ils avaient tous peur. La résistance Française était bien plus importante que ce que laissait présager la matinée. Ils avaient déjà perdu plus de 25 Panzers. Les Hotchkiss Français résistaient toujours. Ils se battraient jusqu’au dernier. Le village, lui, n’était plus que ruines. Le sol était recouvert de sang. Le ciel noirci de fumée. Mais les défenseurs poursuivaient la lutte, et ne s’arrêteraient que lorsqu’ils n’auraient plus de munitions. Les Chars Allemands ne faisaient pas le poids.

Weintel était mort.

Le Panzer de Wilhelm était désormais positionné en défensive, au sortir d’un jardin aux arbres garnis de fleurs. Les rayons du soleil abondaient au gré de la fumée. Le silence, lui, n’était plus qu’un lointain souvenir. Seul le tonnerre des canons se faisait désormais entendre. Lorsqu’un blindé est frappé par un obus de 37, il n’y a pas d’échappatoire. Pas de blessé. Le blindage se brise, et rentre à l’intérieur de l’habitacle en brisant tout sur son passage. Acier, munitions, hommes. Le Colonel Eberach avait donné l’ordre de se replier à l’extérieur de Créhen il y’a plus de deux heures. Wilhelm avait été chargé de couvrir la retraite des autres véhicules. Et dire qu’il croyaient tous à une victoire facile il y’a moins de dix heures.

Ils allaient désormais laisser la ville aux Stukas et à l’artillerie. Ils reviendraient après le déluge.

Les combats s’étaient très vite généralisés à l’ensemble de l’agglomération de Hannut. Désormais, c’étaient plus de six cent Panzers qui se heurtaient à la défense blindée Française. Le sol tremblait sous les explosions ininterrompues de ce front de dix kilomètres. La guerre. La vraie.

« 304 de 301, on a reçu l’ordre de se replier, on retourne sur nos lignes. Terminé ». C’était Hugo, le chef du troisème peloton, auquel il appartenait.

« Hans, demi tour, on décroche. ». Wilhelm n’eut pour seule réponse que la rapide mise en route du char. En sortant de Créhen, il croisa les premières troupes d’infanterie qui attendaient à l’entrée, allongées dans un fossé, prêtes à en découdre. Ils avaient l’air enthousiastes. Les Français, eux, étaient déjà retranchés à l’intérieur. Bien armés, bien entraînés. Le village ne tarderait plus à se transformer en bain de sang. A l’instant où le Char passa à leur niveau, un coup de sifflet retentit. Les hommes se levèrent, puis se précipitèrent en masse à l’intérieur. Ils étaient tous très jeunes, et l’un d’entre eux croisa le regard du chef de char. Wilhelm y lut qu’il savait, qu’il avait compris qu’il ne reviendrait sans doute pas, qu’il n’y avait rien d’autre que la mort de l’autre côté de la route. Le Panzer n’avait pas fait 500 mètres que déjà, les premiers coups de feu retentirent. Ils ne prendraient pas Créhen ce soir. Peut-être même ne le prendraient ils jamais.

De retour à leur ligne de défense, et le ciel commençant à s’obscurcir, les tankistes eurent droit à leur premier spectacle d’apocalypse du conflit. Pour beaucoup, ce ne serait que le premier. D’Est en Ouest, les éclairs des tirs illuminaient l’épaisse couche de fumée qui se formait désormais sur tout le front. Les bombardiers délivraient leur feu sur les habitations, les chasseurs s’affrontaient dans le ciel, les blindés brûlaient dans la plaine. Descendant de son char, il repéra le Panzer II de 203. Il avait survécu. Celui d’Einrich était en flammes, à plus d’un kilomètre de la zone de repli, au milieu d’un carrefour. Wilhelm ne savait pas s’il s’en était sorti. Peut-être se cachait-il à l’intérieur d’une maison ? Ou bien avait-il été fait prisonnier ? Les Allemands n’en avaient fait que peu ce jour là, leurs ennemis s’étant souvent battu jusqu’au bout.

- Lieutenant Wilhelm ! C’était l’Hauptmann Feuerbach, qui dirigeait la Compagnie.
- Oui Herr Hauptmann ? Demanda Wilhelm en se plaçant au garde à vous.
- J’ai entendu parler de votre action de ce matin. Vous êtes détaché du Peloton n°3. Vous prendrez la direction du second peloton. 18h30, au briefing.
- Bien Herr Hauptmann.

Une demi-heure plus tard, le Lieutenant, après avoir pointé à Dieter les réparations de fortunes à réaliser ainsi qu'informé les équipages du second Peloton de leur changement de leader, se présenta en compagnie des autres officiers à la réunion.

- Messieurs, commença Feuerbach, nous avons un problème. Il semblerait que les effectifs Français soient nettement supérieurs à ce que l’Etat Major avait prévu. On compte au moins deux cent blindés et une vingtaine de milliers d’hommes, soit cinq fois plus que ce que les renseignements nous ont annoncé. Le général Hoepner a décidé de lancer le 35ème Panzergroup sur le front Ouest, appuyé par le 12ème Fusiliers, afin de le briser et de déborder l’ennemi sur son flanc.
- Nous ne sommes pas engagés Herr Hauptmann ? Demanda un des Lieutenants.
- Si. Mais seulement les premiers, second, et troisièmes pelotons pour le moment, le reste a ordre de tenir cette position contre toute éventuelle contre-attaque. Le 35ème avancera sur Thisnes, à l’Ouest de Créhen. Lieutenants Gunther, Krupps et Wilhelm, vous avez ordre de rejoindre le groupe de l’Oberst Eberach d’ici 19h, ils sont positionnés à deux kilomètres plus à l’Ouest.
- Bien Herr Hauptmann ! Répondirent les trois officiers d’une seule voix.
- Disposez tous les trois maintenant, vous n’avez pas beaucoup de temps.

Sur le chemin les menant aux Chars, les trois officiers purent échanger leurs doutes. Il était bien tard pour pareille offensive. Qui plus est, la reconnaissance effectuée dans l’après-midi, reconnaissance qui avait par ailleurs été en bonne partie éradiquée, n’était pas très optimiste. Au moins trente blindés tenaient Thisnes et ses alentours. Ils ne disposeraient de leur côté que de soixante machines. Au vu des résultats de leurs Panzers au cours de la journée, c’était bien peu.

Arrivé à son Char, Wilhelm informa l’équipage des nouveaux ordres. Autant dire qu’ils ne furent pas reçus avec bien grand enthousiasme. Puis, cherchant des yeux les blindés du second peloton, se mit en quète de réunir les chefs de char. Ils n’étaient que deux Panzers à avoir passé la journée. « Messieurs, nous nous rendons en appui de l’Oberst Eberach, à deux kilomètres à l’Ouest de cette position. Autrement dit, on a quinze minutes pour se taper le chemin. Alors on part immédiatement. ».

Cinq minutes plus tard, quatre Panzer III, et six Panzer II se trouvaient lancés à pleine vitesse sur la route les menant à leur objectif. Ils y parvinrent en dix minutes. Wilhelm contacta par radio Eberach.

- De 201, en position.
- De Vautour-1, bien pris second Peloton, encore cinq minutes de ravitaillement et on est partis.
- De 201, bien pris.

S’ensuivit une terrible attente. Au devant d’eux, la campagne était la proie des flammes. De Thisnes à Hannut, l’ensemble des habitations brûlait. « Putain Einrich. ». Les tirs de DCA fendaient le ciel, seul l’écho des canons et des bombes perçait le silence. Les oiseaux avaient deserté la zone. Wilhelm les enviait un peu. « De Vautour-1 à tous les équipages, on démarre et on avance. ». Le grondement des moteurs se fit entendre. Et les Panzers s’élancèrent à pleine vitesse vers l’objectif. Quatre kilomètres de plaine les en séparaient.

Cinq minutes plus tard, les soixante Panzer II et III du 35ème Panzergroup étaient lancés à vive allure dans la plaine au Sud de Thisnes, suivis, plus loin, par l’infanterie. Wilhelm se prit alors à penser, mais bien fugacement, que tout se passerait bien. Qu’ils franchiraient la ligne de défense adverse sans rencontrer de réelle opposition. Mais les propos de Feuerbach résonnaient dans sa tête. 20 000 hommes, plus de deux cent chars. Seule l’aviation et l’artillerie permettraient de faire la différence. Il y’aurait du sang. Et la victoire, incertaine, ne serait remportée qu’au prix fort. Les Panzers remontaient désormais une petite colline qui les placerait en vue directe de Thisnes. Situation délicate, car ils se trouveraient parfaitement exposés au feu ennemi. Pour ne rien arranger, le Panzer III de Wilhelm serait parmi les premiers à franchir la ligne de crête. Il ferait donc partie des premières pertes. Transpirant malgré le vent et la fraîcheur de la soirée, il décida de chasser ces pensées de son esprit. A la tête d’un peloton, il valait mieux n’être focalisé que sur les opérations.

Plus que vingt mètres. La fumée des toits de Thisnes devint visible. Dix mètres. Un premier Panzer III parvint au sommet. Il reprennait déjà sa vitesse lorsque finalement, le second Peloton arriva en vue du village. Il était en ruines. Mais depuis les jumelles, les blindés Français étaient déjà visibles. Ils n’avaient pas particulièrement cherché à se cacher, et étaient probablement sortis à leur rencontre dés qu’ils étaient partis de leur position de regroupement. Le soleil se couchait presque, et les premiers obus commencèrent à fuser au dessus de la tête de Wilhelm. Il saisit son interphone « De 201 à toutes les unités, ne tirez pas avant d’être à portée. ». Quelques centaines de mètres plus loin, c’est un véritable déluge de feu qui s’abbatit sur le Panzergroup, un Panzer II, frappé de plein fouet par un obus, entama de s’enflammer tandis qu’il réalisait un virage brusque sur la gauche, semblant faire demi-tour, totalement hors de contrôle. Le Char qui le précédait ne réagit pas à temps, rendant la collision inévitable. Les deux masses s’ébranlèrent en une gigantesque explosion, propulsant des éclats sur un vaste périmètre. Le Panzer III de Wilhelm oscilla brutalement sur ses suspensions. Fort heureusement, le Lieutenant était déjà rentré dans sa tourelle. Il percevait avec angoisse le souffle des détonations toutes proches. « Distance 1200 mètres mon Lieutenant ! ». C’était Wolfgang. Il était pâle, et semblait proche de la panique. « ON ATTEND ! ». Il savait qu’il n’y avait aucune chance d’atteindre un blindé à cette distance, dans ces conditions, et qu’il était tout simplement impensable de percer une Hotchkiss en dessous de 800 mètres. « DE 202, ON A LE FEU, ON EVACUE ! ». C’était le n°2 de la formation. Terminé pour lui. Il était assez complexe d’avoir un rendu complet de la situation depuis la tourelle du char, et Wilhelm n’apprit que plus tard qu’en un kilomètre, le 35ème Panzergroup avait perdu le tiers de ses effectifs. Presque aucun équipage ne survécut à la destruction de son char, tant le tir de suppression Français fut important.

« ON EST A PORTEE LIEUTENANT ! ». Wolfgang criait, le doigt sur le bouton et l’œil collé à la lunette. « DE 201 A TOUS, FEU A VOLONTE ! ». La consigne de tir fut suivie par presque tous les chars du groupement. Pour autant, lancés à une telle allure, aucun des obus ne fit mouche, certains parcourant même plus de cinq kilomètres avant de toucher le sol. Mais cela n’avait plus d’importance dorénavant, la moitié des blindés était certes perdue, mais le reste n’était plus qu’à quelques dizaines de mètres de Thisnes, et entamait un corps à corps brutal avec les Hotchkiss Français. Wilhelm bascula la trappe du tourelleau et se retrouva à nouveau à l’air libre. Un char Français se trouvait aux prises avec un Panzer II, à seulement une vingtaine de mètres de leur position. « HANS, VIRAGE DROITE 90 DEGRES, VITESSE LENTE ! WOLFGANG, CIBLE DROIT DEVANT, HOTCHKISS, DE FLANC ! ». Le Panzer s’inclina sur la gauche le temps de son virage vers sa cible, le canon désormais pointé vers elle.

- CIBLE EN VISÉE !
- FEU !

Le Canon tonna, Wilhelm plissa les yeux sous le souffle de la déflagration, et la lumière qui s’en dégageait. L’obus de 37 ricocha sur le blindage du Hotchkiss. « HANS ! HALTE ! WOLFGANG ! FEU A VOLONTÉ ! ». Le Panzer fit feu une seconde fois, et le proectile alla frapper au niveau du bloc moteur, mais une nouvelle fois sans le pénétrer. Un troisième tir, même résultat. Le Hotchkiss fit alors feu sur le Panzer II qui, semblant comme décontenancé par le spectacle, était resté incapable d’agir. L’obus, logé en plein bas de caisse, pénétra le char en une terrible flamme. Pas de signe de l’équipage, seule une fumée épaisse et noire s’échappait désormais par toutes les ouvertures du char. Un quatrième coup. Aucun effet. La tourelle du Hotchkiss entama alors de pivoter vers le Panzer de Wilhelm. « WOLFGANG, VISE LA JONCTION ENTRE LA TOURELLE ET LA CAISSE ! ». Et c’est là que les qualités de pointeur du jeune sous-officier se démontrèrent. Le cinquième et dernier projectile frappa exactement à l’endroit indiqué, et le char explosa en une multitude de débris dont le Lieutenant s’empressa de se protéger à l’intérieur du Panzer. « De Vautour-1, mon char est en flammes, j’évacue ! ». Ressortant des entrailles du blindé, Wilhelm regarda partout autour de lui pour finalement repérer Eberach, qui s’extrayait de sa carcasse comme il le pouvait. Il fut le seul à en descendre. Aussitôt après, le blindé s’embrasa totalement. Le Colonel alla trouver refuge dans un Panzer II qui se tenait à proximité. Les charges explosives pleuvaient. « MAIS OÙ EST L’INFANTERIE ? ». le Lieutenant enrageait, sans l’appui des fusiliers, il n’y aurait pas la moindre possibilité de prendre le village. Mais il finit par les repérer. Ils étaient dispersés au milieu de la plaine, massacrés pour la plupart par la pluie d’acier qui s’y abattait.

« De 401 à toutes les unités, on est à l’intérieur de Thisnes, il faut se replier, les Français contre-attaquent ! Au moins une cinquantaine de Chars, on ne peut pas les retenir, on n’est pas assez nomb… ». Le radio venait de couper. Wilhelm empoigna son micro. « De 201 à tous, on se regroupe et on prépare le repli ! ». Aucune réponse. Et pour cause, 201 était dorénavant le dernier char survivant du second Peloton. Partout des blindés brûlaient. Les corps des membres d’équipage, défigurés pour certains, simplement percés de balles et de débris pour d’autres, jonchaient le champ de bataille. Et ils n’étaient même pas parvenus à rentrer dans Thisnes. « HANS, VIRAGE A 90 DEGRES GAUCHE, PUIS MARCHE ARRIERE PLEIN POT ! ». Le Panzer s’ébranla immédiatement. Et c’est alors que Wilhelm le vit. Un Somua S35, surblindé, équipé d’un canon de 47. Un adversaire dépassant sur tous les points le Panzer III. « Wolfgang, cible, Somua à 30 degrés gauche, feu à volonté ! ». Wolfgang ne répondit même pas, la tourelle était déjà en rotation vers son objectif. Il avait compris. Sacré Wolfgang. La marche arrière se faisait à allure suffisamment lente pour assurer un semblant de visée. Qui plus est, le Somua n’était qu’à une centaine de mètres, et était déjà occupé par un autre Panzer III qui se tenait immobile devant lui, faisant feu de toutes ses armes, sans résultat. Le char de Wilhelm fit finalement feu. L’obus ricocha sur le flanc de la machine. Le projectile de 47 du Somua s’abattit sur le premier Panzer, l’envoyant rejoindre le cimetière de chars qui venait de s’implanter aux abords du village. Wolfgang tira une seconde fois. Toujours aucun effet. « PLUS VITE WOLFGANG PLUS VITE ! » hurla le Lieutenant. Nouveau tir, nouveau ricochet. Le Somua réalisa alors un virage sur sa gauche, et se plaça en visée de son agresseur. « Plus que quelques secondes et nous sommes tous morts ! » pensa Wilhelm. Wolfgang tira une dernière fois. L’obus, frappant la face avant surblindée du char, disparut dans une pluie d’étincelles. Ne restait désormais plus à l’équipage du Panzer III n°201 qu’à attendre le choc. Mais l’impensable se produisit, l’obus qu’expédia le char Français fusa vers eux pour finalement aller se loger dans leur chenille gauche, la brisant en mille morceaux. L’équipage, totalement sonné par la détonation, ne réalisait pas encore le sursis dont il jouissait. « DE 201 ON EVACUE ! ON EVACUE ! ». Toutes les trappes s’ouvrirent simultanément, et les hommes commencèrent à s’extraire du blindé, condamné de toute manière face à pareil ennemi. Mais le Somua fit de nouveau feu. Wilhelm ne saisit pas immédiatement ce qu’il venait de se passer. Il fut projeté du char contre le mur d’une maison, située à plusieurs mètres. Etalé dans la boue, il ne put que contempler, abasourdi, son Char qui brûlait, tandis que Wolfgang, qui était parvenu à s’extraire à temps, courait vers lui. « MON LIEUTENANT ! VOUS ALLEZ BIEN ? ».

- Je ne sais pas… Répondit Wilhelm d’une voix faible.
- Ça en a l’air de ce que je vois ! Faut se tirer d’ici, nos blindés se replient à toute vitesse !
- Le char… Dieter, Hans… Où est-ce qu’ils sont ?
- Mon Lieutenant, on se préoccupera de ça plus tard, faut se casser d’ici avant d’être faits prisonniers.

Il passa les bras autour du Lieutenant, et le remit debout. Le Somua avançait désormais vers la plaine, leur passant tranquillement à côté, poursuivant ses tirs meurtrier. C’est alors qu’un autre de ces engins émergea d’une habitation. Puis un autre, et encore un autre. En moins d’une minute, c’était une cinquantaine de blindés Français qui traversait la plaine à la poursuite des Panzers survivants. La contre-attaque des blindés Somua Français, menée par le Capitaine Beaufort, venait de débuter sa percée dans le dispositif Allemand.
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